Le souffle de l’histoire au Col des Jaillants
Très belle fin de journée sur le site du sanctuaire gallo-romain des Jaillants, dimanche 21 juillet. La trentaine de personnes présentes ont pu sentir passer le souffle de l’histoire, grâce à la passionnante conférence d’Arnauld Maillé sur le site du Fanum des Jaillants, et partager leurs émotions autour d’un apéritif préparé par l’association. Nous reproduisons ici la synthèse rédigée par Arnauld Maillé.
« Le site dit du sanctuaire gallo-romain des Jaillants, proche du croisement de routes du col des Géants qu’il surplombe, pourrait décevoir de prime abord le visiteur. Celui-ci y verra, outre quelques tertres herbeux et des amas pierreux, des murets de pierres en granit bien agencés formant deux structures de plan carré, l’une de près de 13m de côté enfermant l’autre de moins de 7m de côté ; il lui faudra donc faire pas mal d’efforts pour imaginer un sanctuaire datant de l’Empire romain, de surcroît en ce lieu isolé des Monédières à 843 m d’altitude. Il est vrai qu’un panneau explicatif bien conçu vient l’aider.
Pourtant 3 personnalités se sont intéressées à ce lieu et leurs interventions ont permis au siècle dernier de découvrir, nettoyer, fouiller, valoriser et expliquer ce site : d’abord Marius Vazeilles qui a signalé en 1959 l’existence de divers débris d’époque romaine dans le champ qui occupait le site ; ensuite Robert Joudoux qui a entrepris les premières prospections et fouilles en 1966, 1967 et 1973 ; enfin Guy Lintz qui les a poursuivies en 1981 et 1982.
Ces fouilles, qui ont fait l’objet de plusieurs publications, ont permis de dégager les soubassements de deux bâtiments, le premier découvert de forme rectangulaire et le second situé 30 m plus au nord de forme carrée et de taille légèrement plus petite. Ce sont les vestiges de ce dernier bâtiment (les murets évoqués plus haut !) que le visiteur peut voir actuellement : les restes du premier édifice ont été recouverts par la végétation après les fouilles. La structure de ces bâtiments était identique, chacun étant composé d’un premier mur extérieur porteur formant galerie et entourant une pièce centrale. Les objets retrouvés étaient relativement limités : des morceaux de tuiles et de briques, des tessons de céramiques et de poteries, des tesselles de pâtes de verre, des fragments d’ornements de toiture, des clous. Des monnaies datant de l’extrême fin du 1er siècle avant notre ère ainsi que du milieu et de la fin du 2ème siècle de notre ère permettent d’entrevoir la période d’occupation des édifices. Les spécialistes ont pu établir que ces vestiges correspondaient à des « fanums gallo-romains » vocable désignant une forme typique de temples que l’on retrouve dans ce qui constituait les provinces nord-ouest de l’empire romain, en France, Belgique, Allemagne rhénane, Grande-Bretagne, régions originellement habitées par des Celtes. Le fanum gallo-romain succède généralement à un sanctuaire celte situé en milieu rural et peu monumentalisé.
Dans le cas des Jaillants, des fragments de céramique d’un type habituel vers la fin de l’indépendance gauloise ont révélé une occupation antérieure à la construction des édifices qui pourrait dater du 1er siècle de notre ère. L’empreinte celte de l’espace cultuel que constituaient les Jaillants est d’autant plus plausible que le sanctuaire situé près d’un col loin des grandes viae impériales était sans aucun doute au carrefour de chemins qui suivaient les lignes de crêtes ou de partage des eaux, des parcours préromains empruntés depuis des siècles dans une région sillonnées d’itinéraires.
Par conséquent le visiteur des Jaillants doit avoir l’imagination fertile pour reconstituer matériellement l’espace sacré et les édifices qui s’y élevaient ; il doit également faire un effort mental pour tenter de recueillir un peu de l’atmosphère sacrée et du souffle spirituel qui ont imprégné ce site voici des siècles durant la période gallo-romaine mais également bien avant celle-ci.
Il lui faudra encore recourir à son intuition pour redonner à ce col des Jaillants, aujourd’hui obstrué par la végétation et les plantations de conifères, les « Vues sur les Monédières » qui ont inspiré aux hommes de ces temps anciens le sens du sacré.«
Arnauld Maillé